HISTOIRE GEOLOGIQUE DU MORVAN
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OROGENESE
VARISQUE
Deuxième
partie
Evolution de l'orogenèse
varisque en Europe occidentale
L'application aux séries anciennes des
concepts pétrologiques mis en évidence dans la genèse des suites
magmatiques liées aux divers sites géotectoniques définis
par la tectonique des plaques, la possibilité de dater les protolithes et les épisodes métamorphiques qui les affectent,
l'analyse cinématique des déformations - plis, nappe, faille - et
les données obtenues sur la structure profonde de la croûte continentale ont permis de reconstituer l'évolution géodynamique de la chaîne varisque dont l'histoire était déjà
bien connue par les études plus classiques : stratigraphie et tectonique.
Dans cette histoire bien des points restent obscurs et certaines
questions n'auront peut-être jamais de réponses, par essence
l'orogenèse faisant disparaître des fragments de l'écorce
terrestre.
L'histoire géologique des terrains paléozoïques
formant le Morvan cristallin s'inscrit dans l'évolution géodynamique
de la chaîne hercynienne (orogenèse varisque) de l'Europe
occidentale qui résulte de la collision entre, au Nord, le
continent Nord-Européen et au Sud celui de Gondwana. Quatre
grandes périodes ont été distinguées dans l'édification de
la chaîne [REF], [REF].
Les terrains constituant le Morvan actuel ont
été formés pour l'essentiel au Carbonifère (volcano-sédimentaires et granites) entre 360 Ma et 280 Ma tandis que les gneiss
d'extension plus réduite sont les témoins d'une histoire plus
longue et plus complexe qui s'est déroulée depuis le Cambrien (550
Ma) jusqu'au Dévonien moyen (380 Ma). Les terrains volcano-sédimentaires
à l'origine des gneiss, se sont déposés dans l'océan séparant
ces deux aires continentales et ont été enfouis, déformés et
entraînés dans une tectonique de nappes dont les chevauchements
varient de 50 à 150 km.
Période
pré-varisque de 550 à 450 Ma : la distension du Cambrien à l'Ordovicien.
Sous l'effet d'une distension généralisée, le continent Nord-Européen (NE) est séparé
du continent de Gondwana (G) par une vaste aire marine [REF] au milieu de laquelle émerge un micro-continent caractérisé
par la présence grès armoricains de l'Arenig et qui comprend le
bloc cadomien (C) et ses prolongements crustaux dans la future zone saxo-thuringienne
et le bloc barrandien d'Allemagne.
- Entre le bloc cadomien (C) et le
Gondwana (G) la proto-Téthys est une mer peu profonde qui
s'étend sur une croûte continentale en distension.
L'amincissement de la croûte favorise dès le Cambrien
la montée et l'intercalation au sein d'une sédimentation
grauwackeuse d'un
magmatisme tholéiitique - basalte et gabbro - associé à un magmatisme acide. La diversité du magmatisme tholéiitique,
soit d'origine océanique, soit de distension crustale et
son association occasionnelle à un magmatisme calco-alcalin est représentative
des domaines de rifts intra-continentaux d'extension limitée, de
type bassins d'arrière-arc [REF] ayant rarement atteint le stade océanique [REF] avant leur fermeture. Dans ce domaine qui
deviendra la zone moldanubienne ou arverno-vosgienne en
France, ce magmatisme est daté de 500 à 470 Ma (KO).

- Sur le bloc cadomien (C) [REF] la sédimentation reste épicontinentale. Après
le comblement conglomératique et l'épanchement local de laves acides au
Cambrien ennoyant les reliefs du socle briovérien, les grès de l'Arenig marquent le retour généralisé de
la mer à l'Ordovicien dont les alternances de schistes et de grès par leurs variations latérales de faciès et d'épaisseur reflètent les effets lointains
de phases orogéniques .
- La mer médio-européenne (océan rhéique)
qui sépare le bloc cadomien du continent Nord-Européen
(NE) est peu profonde ou à fond de croûte océanique;
c'est le site de la zone rhéno-hercynienne. Prolongeant
vers le Sud les dépôts continentaux de l'avant fosse,
une épaisse série de sédiments détritiques fins
s'accumule du Cambrien au Silurien (K-S), dans
lesquels s'intercalent les produits d'un volcanisme sous-marin
bimodal caractéristique
d'une marge continentale [REF].
Période éo-varisque
450 à 400 Ma. Convergence des plaques, subduction et
enfouissement de l'Ordovicien supérieur au Silurien.
- La présence et la localisation de plans de subduction [REF] restent encore très hypothétiques bien que
dans l'état actuel des connaissances seul leur
fonctionnement peut expliquer l'enfouissement dans des
conditions extrêmes de pression et de température de
l'ensemble volcano-sédimentaire accumulé dans la proto-Téthys
entre le Cambrien et l'Ordovicien inférieur (K-O) . Cet
ensemble pris dans le prisme d'accrétion, est entraîné
dans le manteau lithosphérique par le courant de convection générateur du
plan de subduction. Les roches sont déformées, granitisées
et soumises à un métamorphisme catazonal de faciès granulitique. Les reliques d'éclogites qui caractérisent le groupe leptyno-amphibolique indiquent des pressions comprises entre 12 et
20 kb et une température de 750 °C soit un
enfouissement de 60 km dans la lithosphère.

- Sur le bloc cadomien [REF] ( C ), la sédimentation initiée à l'Ordovicien
se poursuit sans interruption au Silurien qui à son
sommet présente des faciès de régression marine, témoins
des derniers contrecoups de la phase orogénique
ardennaise (415 Ma).
- En bordure du continent Nord-Européen (NE) [REF], la sédimentation ordovicienne et silurienne (K-S)
grossièrement détritique dans l'avant fosse, passe latéralement
vers le Sud à des pélites et des quartzo-phyllades qui augmentent considérablement d'épaisseur
vers la fosse marine dont le fond pourrait avoir un
caractère océanique (O). Dans
cette zone rhéno-hercynienne en cours de structuration
sous les poussées tectoniques, les couches géologiques
sont progressivement déformées durant les mouvements de
la phase orogénique ardennaise entre 450 et 415 Ma créant
un régime de plis écaillés et déversés vers le Nord
et ayant pour conséquence un retrait partiel de la mer.
Période médio-varisque
de 400 à 380-350 Ma, collision continentale du Dévonien inférieur au Dévonien moyen.
- Au cours de cette période, la collision
entre le continent de Gondwana et le bloc cadomien et ses
prolongements orientaux (zone cristalline médio-germanique)
continue de déformer les nappes de la zone
moldanubienne (K-S). La remontée rapide,
estimée à 3 à 4 mm/an [REF] du complexe leptyno-amphibolique
lui fait subir un métamorphisme rétrograde dans le
faciès amphibolique (7 kb et 700°C) et une fusion anatectique des termes acides (migmatites) datés autour de
380 Ma [REF]. Le mécanisme
de remontée dans la lithosphère est encore mal connu;
l'hypothèse généralement admise est l'éjection d'écailles
tectoniques sous l'action du serrage continental. C'est
au cours de la collision que s'édifie l'essentiel de la
structure actuelle de la zone moldanubienne et du Massif
Central en particulier avec l'empilement de deux grandes
nappes de gneiss séparées par des plans de
chevauchement mylonitique :
- une nappe supérieure
caractérisée par la présence du complexe leptyno-amphibolique,
l'abondance des reliques d'éclogites et de granulites
vers la base de la nappe, surmontée par une épaisse série de paragneiss et d'anatectites; la déformation est figée par le métamorphisme
mésozonal.
- une nappe inférieure
contenant des métagrauwackes et des métapélites (gneiss mésozonaux) et des intrusions de
granites alumineux mis en place entre 540 et 430 Ma et
donc transformés en orthogneiss. La
position tectonique de cette nappe est encore mal connue,
mais elle pourrait chevaucher des séries
moins métamorphiques restées en place (séries
autochtones) et qui seraient d'âge briovérien à
cambrien.

Dans le Massif Central, de la Marche aux Monts
du Lyonnais en passant par le Haut Allier, les divers fragments
de ces deux nappes sont déversés vers le Sud, y compris les
nappes de la Sioule dont le prolongement nord-est pourrait être
les gneiss à reliques d'éclogites
de Montjeu [REF]. Une intense érosion détruit
la chaîne montagneuse au cours de sa surrection enlevant une épaisseur
de gneiss estimée à près de 20 km [REF].
- Sur le bloc cadomien [REF] (C) les schistes et grès du Dévonien inférieur
succèdent sans discontinuité à ceux du Silurien. Les
schistes et calcaires du Dévonien moyen et supérieur
traduisent une lente régression marine que viendra clore
la phase orogénique bretonne à 360 Ma en plissant en
larges ondulations les séries déposées depuis le
Cambrien.
- Dans la zone rhéno-hercynienne
[REF] la sédimentation
de phyllades se poursuit
au Dévonien inférieur dans la partie sud (K-D) ,
tandis que la transgression marine vers le Nord laisse
des conglomérats et des grauwackes. Au Dévonien moyen
la poursuite de la transgression vers le Nord dépose des
calcaires récifaux.
Période néo-varisque de 380 à 300 Ma, du
Dévonien supérieur au Carbonifère supérieur.
- Dans la moitié nord de la zone
moldanubienne et plus particulièrement au Nord
des Monts du Lyonnais l'évolution tectono-métamorphique
est terminée au Dévonien moyen vers 380 Ma. Au Sud du
Morvan, le volcanisme de la série de la Brévenne se
situe dans une zone de distension crustale
aux dépens du nouveau socle cristallophyllien.
L'association de serpentine, gabbro et basaltes en coussinets de nature
tholéiitique est celle d'une croûte océanique de
faible extension [REF]. Le volcanisme acide associé traduit une
contamination crustale. A la fermeture de ce rift océanique
lors de la phase orogénique bretonne (350 Ma), la croûte
océanique a été obductée et conservée dans un fragment de complexe ophiolitique [REF]. Le volcanisme acide calco-alcalin et les
assises détritiques du Carbonifère inférieur reposent
en discordance sur les
gneiss du socle cristallophyllien.
Dans les Vosges et dans le Morvan le volcanisme
calco-alcalin [REF], [REF] actif au Dévonien supérieur et durant tout le
Carbonifère inférieur [REF] est
à mettre en relation avec le fonctionnement d'un plan de
subduction dont la position reste encore imprécise, probablement
situé en bordure sud de la zone rhéno-hercynienne (au niveau de
la zone phylliteuse) [REF].
Plus au Sud, le front orogénique progresse
vers le Sud poursuivant l'empilement des nappes métamorphiques
jusqu'au Viséen inférieur dans le
Rouergue et jusqu'au Namurien-Westphalien dans les nappes du Paléozoïque de la Montagne Noire.
Dans le domaine situé entre la Brévenne et le
Morvan (Forez, Montagne Bourbonnaise), le Viséen inférieur/moyen
est bien représenté par des calcaires interstratifiés dans des
conglomérats.

Dans le Morvan les dépôts du Dévonien supérieur
(et peut-être moyen) sont considérés comme transgressifs sur les gneiss du socle cristallophyllien, bien que
jusqu'à présent, ce type de contact n'a pu être directement
observé.
L'histoire géologique de cette région est détaillée
dans les divers chapitres du site : Résumé
- Sur le bloc cadomien (C) [REF] la transgression conglomératique du Dinantien sur le Dévonien plissé est accompagnée d'éruptions
volcaniques de laves et de tufs rhyolitiques et de coulées de laves basiques. Les alternances de schistes et de grès riches
en débris d'origine volcanique du Tournaisien, puis les
schistes du Viséen présentent le faciès culm. Ce Dinantien se termine soit par des calcaires
récifaux, soit par des sédiments gréso-pélitiques qui
se poursuivent jusqu'au Namurien. La sédimentation est interrompue au Westphalien par la
phase orogénique asturienne qui induit localement dans
la série plissée un métamorphisme épizonal à mésozonal. A la même période se mettent en place les
nombreuses intrusions de granodiorite, granite
et leucogranite. Après cette phase asturienne la partie
centrale du bloc cadomien reste à l'abri de l'orogenèse
hercynienne. Le Stéphanien houiller et le Permien à coulées basaltiques reposent
horizontalement.
- Dans la zone rhéno-hercynienne
[REF] la sédimentation
marine calcaire se poursuit au Frasnien mais le Famennien schisto-gréseux annonce la régression marine
(K-D) . Les contrecoups lointains de la phase orogénique
bretonne peuvent entraîner localement une lacune du
Strunien (sommet du Famennien). La mer revient largement
au Dinantien et aux schistes et calcschistes du
Tournaisien succèdent rapidement vers le Nord les
puissantes assises calcaires du Dinantien moyen et supérieur
(Viséen). Des brèches et des émersions locales marquent l'influence
de la phase orogénique sudète active plus au Sud. Ici
elle n'entraîne que l'installation d'un régime de marécages
à incursions marines au Namurien durant lequel se déposent des schistes et des
grès provenant de l'érosion des reliefs avoisinants,
puis des restes organiques venus de la couverture végétale
au Westphalien houiller.
La phase orogénique asturienne (300 Ma) ajoute de façon
paroxysmale le même type de plis déversés, écaillés
et chevauchant vers le Nord, provoquant la lacune du Stéphanien.
Orogenèse varisque 3ème partie